METIER : Magdalena est éthologue

23 octobre 2015

Magdalena Pelayo, éthologue

L'éthologie est la science qui étudie le comportement des autres animaux. La branche qui étudie spécialement leur intelligence porte un nom compliqué : l'éthologie cognitive.

GAIAKids a eu la chance de rencontrer Magdalena Pelayo, chercheuse en éthologie cognitive au célèbre Institut Max Planck d'Ornithologie (Allemagne).

Interview

Bonjour Magdalena, tu travailles comme chercheuse en éthologie cognitive, c’est bien ça ?

Oui, tout à fait. En fait, je n'ai qu'un financement temporaire alors mon appellation officielle ici à l'Université est "assistante de recherche", où je travaille afin d'obtenir un doctorat.

En quoi consiste ton métier, exactement ?

Notre but est très simple : comprendre comment les animaux réfléchissent, et comprendre aussi ce qu'ils savent. Je travaille avec des corbeaux qui utilisent des outils pour se procurer de la nourriture. Comme ils ne sont pas capables de nous dire directement ce qu'ils savent, nous devons leur poser des questions sous la forme de petits problèmes.

Ca a l'air d'être passionnant !

Oui ! Par exemple, nous nous posons ce genre de question : ces corbeaux sont-ils capables de choisir un outil de la bonne taille pour atteindre un ver (qu'ils adorent manger) ? Pour le savoir, nous leur présentons le problème sous la forme d'un tube avec un ver au fond, que l'oiseau ne peut pas atteindre. On lui donne alors plusieurs outils de différentes tailles, certains trop courts, certains juste la bonne taille, et d'autres trop longs. Choisira-t-il l'outil de la taille idéale ? Cette expérience a déjà été faite, et a prouvé qu'ils en sont tout à fait capables !

Après cela, nous rédigeons nos résultats sous la forme d'un article, que nous envoyons à un journal scientifique. Les publications scientifiques sont très utiles : elles permettent à tous les autres scientifiques - et aussi au reste du monde - d'être informés de nos découvertes. Si le journal accepte notre article, alors il demande à d'autres scientifiques de vérifier si il n'y a pas de fautes dedans. Ce processus d'acceptation et de correction peut être très très long, de 6 mois à un an. Ensuite, quand tout est corrigé, l'article est publié. A ce moment-là, il est temps de passer à une autre question !

As-tu une spécialité ?

Ma spécialité est la cognition des oiseaux, et plus particulièrement l'étude des corvidés et des perroquets.

Et comment as-tu choisi de t'intéresser aux oiseaux ?

Durant ma première année de master, on nous a demandé d'aller au zoo local, et de choisir un animal à étudier. Je n'aimais pas ce zoo du tout. Je trouvais que les conditions étaient honteuses, en particulier l'enclos minuscule que cinq perroquest aras devaient se partager. Ils avaient l'air misérables. Ce sont de très grands et magnifiques perroquets, mais je ne savais pas grand chose sur eux à ce moment là.

Je suis rentrée chez moi et j'ai passé plusieurs jours à m'informer autant que possible sur cette espèce. Je me suis alors rendue compte qu'ils sont incroyables ! Ils sont tellement intelligents, vivent aussi vieux que les humains et adorent jouer. Alors j'ai décidé d'utiliser cette étude comme excuse pour les aider de mon mieux : je leur ai donné plein de jouets pour voir comment leur comportement allait changer. Une fois cette étude finie, j'ai continué à leur fabriquer des jouets autant que je le pouvais. C'est là qu'à commencée mon obsession pour les oiseaux !

Quelles études faut-il faire pour exercer ce métier ?

Il faut commencer par obtenir une Licence en biologie, qui prend 3 ans, afin de pouvoir commencer un Master qui durera 2 ans. Les Masters spécialisés en comportement animal ne sont pas très nombreux, malheureusement. S'ils obtiennent leur Master, certains chercheurs s'arrêtent là, et peuvent déjà commencer à travailler dans des parcs, comme assistant de recherche, etc... D'autres continuent afin de se concentrer sur la recherche.

Tes recherches ont-elles changé le regard que tu portes sur les autres animaux ?

Une fois qu'on en sait un peu plus sur leur intelligence, cela saute aux yeux qu'ils ne sont pas si différents de nous. J'ai vu des animaux capables de choses tout simplement incroyables ! Un jour, j'ai rencontré une scientifique qui avait appris à un perroquet à parler : pas juste répéter des mots, mais parler ! Il pouvait répondre à des questions complexes, et elle m'a même raconté qu'il l'avait une fois faite tourner en bourrique !

J'ai aussi vu à quel point ces animaux étaient capables d'aimer. Comme ils se font de petits cadeaux et restent ensemble constamment. Il arrive parfois qu'à la mort de leur compagnon, ils abandonnent toute envie de continuer sans lui et se laissent mourir.

Mais les scientifiques de mon milieu ont une règle d'or qu'il faut à tout prix respecter: il ne faut pas anthropomorphiser les animaux ! Ce qui signifie qu'il ne faut pas leur attribuer des caractéristiques humaines en faisant des interprétations simplistes. Par exemple, on ne va pas dire d'un chat qu'il est cruel s'il joue avec une souris, le chat ne connait pas forcément la différence entre ce qui est bien et mal. Cependant, je trouve que cette règle sert trop souvent d'excuse pour fermer les yeux sur des choses qui nous gênent, comme le fait qu'ils peuvent souffrir tout comme nous.

Je savais déjà quand j'étais toute petite que je ne voulais plus manger d'animaux. Cela m'a pris beaucoup trop longtemps : je pensais que ma mère ne serait pas d'accord, donc qu'il faudrait que j'attende de vivre toute seule. Je me sens très bête d'avoir attendu maintenant, car une fois que je suis devenue végane, ma mère a décidé de le devenir aussi !

Y a-t-il des animaux qui partagent ta vie, et comment les as-tu rencontrés ?

Les animaux avec lesquels je travaille possèdent une vraie personnalité. Par exemple, je suis très proche d'un corbeau en particulier : je l'ai vu bouger dans son oeuf, naître, puis grandir. Je l'appelle Petit-Monstre, parce qu'il adore détruire tout ce qu'il trouve. Mais il peut aussi être très doux, et réclame souvent des câlins. Il est aussi incroyablement intelligent, ce qui l'aide beaucoup à faire des bêtises !

Au final, il est impossible de travailler avec ces oiseaux ou avec des perroquets, et ne pas tomber amoureux d'au moins l'un d'eux. Quand je travaillais avec des cacatoès à Vienne, une petite femelle adorait me lécher les oreilles, et que je lui gratte les plumes. Elle était très douce et adorable, même si elle aurait pu me détruire les doigts avec son bec puissant. Quand je travaillais avec les kéas aussi à Vienne, un jeune mâle se roulait par terre tout le temps, et adorait manger couché comme les romains ! Il me faisait mourir de rire :)

Merci Magdalena, et bonne chance pour ton doctorat !

Merci !